Il franchit l’imposante porte de cèdre ciselé et il regrette la veille, la simplicité du hall et l’accueil gauche du portier. Ses pas résonnent, le marbre craque. On s’empresse pour lui. Une gifle à la soubrette, un rire gras. Tout le monde parvient aux anges.
En premier lieu, il commande son harem. Les truites devront être fraîches. Chicago à l’est, les neiges éternelles pour le coucher du soleil. Des cocktails de Russie. Séraphin battu au sang avec des nouilles coréennes.
Son poney bleu d’Irlande néglige un licou sur quelques dalles imprudentes. On change les dalles. On remplace le poney. Monsieur désire-t-il que les fondations soient revues ? Qu’on affiche des coupables préférentiels ? Il a laissé les bagages, prenant soin de les ouvrir et d’en éparpiller à la neige carbonique le contenu précieux sur les soies des salons attenants.
Maintenant il décide la couleur. L’ennui du vocabulaire, il aimait à voir au fond des yeux toujours le même vert indéfectible à louer jadis, du temps de sa première extase, des jeux. On s’affaire. La piscine est en cours d’élargissement, on assaille le bassin. Il s’en va pianoter dans le buffet d’élégance, élaguer les morues qui s’y trempent. Une mustang fastback de 1965 s’avance pour l’y placer.
À quatre heures dix-sept, l’orchestre philharmonique de Francfort entame le Christ-Roi de B. Raczynski. C’est officiel. On a placé quatorze cors anglais, qui pinaillent. L’assemblée s’apprête à sévir, il présente son front pour l’onction. On applaudit. Il crache. Les outranciers sont châtiés dans l’heure, on noie leur bave à l’hydromel.
Pour aujourd’hui, la baudruche sera son arme de poing. On essouffle les laquais, esquinte la cuisinière. On prépare les cibles. Des juges, les chênes étalonnés s’arrachent à leurs boiseries pour servir l’assaut. À l’instant attendu, il rentre dans la chambre frotter au linge encore un peu de steppe aride, allonger la plaine dans sa tête.
Il regarde la nuit tomber six ou huit fois, à satiété. Les dîners s’imposent, éclaboussent contre ses membres. De l’as d’ail farci aux œillades étalées qu’on ravive en crachotements de danseurs. Délit des goûts. Il revit ce rire salé ouvert parfois à l’improviste contre la brique nue des écoles. On s’embrase. On semble.
Alors les corps crépitent. Nul ne craint plus que cet instant. Il relève la tête.
Une jeune étoile argentine s’avance. Il la rêve italienne et sauvage, et s’endort dans les prés.
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