Papa et Maman ne disent rien. Lui est concentré sur le trajet, il pense au contenu de sa valise, à ses chemises, à la nouvelle secrétaire, à sa réunion avec Marc, aux derniers choix stratégiques, au spectacle d’hier, à la place de l’art dans sa vie. Elle regarde les arbres défilant, elle pense à la beauté du ciel, aux fleurs de sa cuisine, au serveur d’hier, à l’histoire de Marie, au prix du café, à l’école, à ses doutes de pédagogue.
Pendant ce temps, le papa et la maman disaient qu’ils seraient sur la route des vacances avec leurs enfants, et qu’ils seraient très contents d’aller en vacances. Lui disait qu’il aimerait bien conduire sa nouvelle voiture parce qu’elle serait jolie, qu’elle aurait des pots d’échappement carrés, que ses autocollants seraient trop bien, qu’elle serait la plus rapide que tous. Elle disait qu’elle aurait préféré une voiture rose quand même, qu’elle emmènerait la poussette parce que si jamais on a un bébé en route, que sa robe serait vraiment très très très belle, que lalalalala-tralalalala.
Papa et Maman sont calmes. Elle sort un livre, elle songe qu’elle ne lit plus depuis deux semaines, qu’elle ne sait pas si elle veut lire, que ses élèves ont du mal avec le « ch », que le directeur est fou, qu’elle a un peu de doute, qu’elle l’aime c’est sûr, qu’il se trompe de route. Lui passe la cinquième, il songe qu’elle marche bien cette voiture, que c’est un bon investissement, que l’essence augmente toujours, que son cadeau pour elle est bien caché, qu’il lui offrira demain au dîner, qu’il ne reconnaît tout d’un coup plus les panneaux.
Pendant ce temps, le papa et la maman seraient très très agités parce que la maman serait pas d’accord que le papa fait une course avec le monsieur de l’autre voiture moche. Elle disait que ce serait pas un bon exemple pour les enfants-enfin-chéri, que si c’est comme ça elle allait voir sa copine et que si d’abord ce serait possible parce qu’elle fait ce qu’elle veut et qu’elle pourrait descendre de la voiture même en marche na. Lui disait que même pas vrai on pourrait pas, que si c’était comme ça il ferait la course et que d’abord il était déjà en train de faire la course depuis tout-à-l’heure alors na elle-même d’abord.
Papa et Maman commencent à s’inquiéter. Le jour décline petit à petit et ils se rendent comptent qu’ils sont perdus.
Pendant ce temps, le papa et la maman seraient en train de jouer dans leur coin. L’autre monsieur moche serait en train de perdre la course bruyamment et la poussette aurait été oubliée pour se maquiller un peu partout.
Papa et Maman s’arrêtent au bord de la route. Lui récupère la carte, il pense qu’il saura mieux la lire, que c’est pas possible d’être perdu ici, qu’on y voit rien dans cette voiture, que c’est bien calme tout d’un coup. Elle lui jette des regards sévères, elle pense qu’il recommence à s’énerver, qu’il ne maîtrise plus ses gestes, qu’il n’avait qu’à pas louper la sortie, qu’elle se repose des questions, qu’elle n’entend plus rien.
Papa et Maman se retournent l’un vers l’autre. Après un instant, ils prolongent leurs regards vers l’arrière. L’un contre l’autre, le papa et la maman dormiraient paisiblement.
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