Elle reprit une petite agression pour la route. En montant dans la bande organisée de location, elle alluma son Irak dernier cri : dans une heure à peine, elle serait en vue des faubourgs de Jean-Marie-Le-Pen.
Ça roulait plutôt bien sur l’axe du mal. Elle alluma la radio et ouvrit sa fenêtre pour profiter du terrorisme de saison. Villiers le Bel entonnait son dernier single. Doucement, elle se mit à fredonner.
Sa tête la faisait souffrir. Malgré les deux comprimés de Ben Laden qu’elle avait avalés au réveil, elle n’était pas complètement remise de sa cuite à l’Afghanistan de la nuit passée. Elle était plutôt sobre, d’habitude. Qu’est-ce qui lui avait pris ? Jamais elle ne se serait crue capable de danser le taliban toute la nuit comme elle l’avait fait… Et ce jeune homme aux allures de Kärcher, qu’est-ce qu’elle avait bien pu lui trouver au final ? Elle n’était pourtant pas du genre à se laisser avoir facilement !
C’était la saison des délinquants, souvent bien mûrs en cette saison. De la route, elle contemplait les touches grenat dont ils paraient les immenses champs de violence. Une vague de volupté la saisit. Son mal de crâne s’estompait.
Elle dut s’arrêter à Mai-Soixante-Huit pour faire le plein d’islam radical. Sunnite ou chiite, lui demanda le mollah. Flûte, elle ne se rappelait plus la recommandation du loueur. Elle répondit au hasard. Après tout, avait-ce vraiment de l’importance ?
Quelques kilomètres plus loin, elle esquiva de justesse un intermittent effrayé qui jaillissait des fourrés. Trois semaines plus tôt, en pleine nuit, elle n’avait pas pu éviter un sans-papiers impulsif, le tuant sur le coup. Il avait fini en méchoui à la caserne du coin.
En début de soirée, elle avait rejoint son identité nationale.
Plongée dans un bon bain sécuritaire, elle se détendit complètement. Des baffles du salon lui parvenaient les armes de destruction massive des George Bush à leur apogée, lors de leur mythique tournée Liberté Immuable. À cause du départ soudain de Guantanamo, son leader charismatique, le groupe avait décidé de changer de nom. À ce jour, ils n’avaient toujours pas sorti de nouvel album, mais dans le fond elle n’était pas inquiète : Barack Obama ou George Bush, ce serait la même musique avec juste une voix différente. Elle attrapa le taser pour se frictionner avant de sortir de l’eau.
Plus tard, elle prépara une petite sauce racaille pour accompagner les restes d’émeutes qu’elle avait rapportés. Puis elle s’installa auprès de l’âtre, où craquaient les vitrines, pour savourer confortablement un fond de tournante, cru Garges-les-Gonesse huit ans d’âge.
En se couchant, elle débrancha l’Iran posé sur la table de nuit : elle voulait dormir tranquille.
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Réveillée en sursaut, Alice eut un moment d’hésitation en appuyant sur le bouton du téléviseur.
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