Chapitre 1. Un jour, j’y entrerai !
Je suis née dans un grand pays où l’on dit que les rêves deviennent réalité. Ma grand‑mère était professeur de piano et elle avait transmis sa passion à sa famille. À ma naissance, ma mère voulait m’appeler Con Dolcezza, ce qui veut dire « avec douceur » en italien. C’est ce qu’on écrit sur une partition quand on veut qu’un morceau soit joué délicatement. Mais à la mairie, l’employé n’était pas très habitué aux noms originaux, et il s’est trompé d’une lettre en l’écrivant ! Du coup, on m’appelle Condoleezza…
Quand j’étais petite, mes parents travaillaient toute la journée. Ils ne pouvaient pas me garder, alors c’est ma grand-mère qui s’occupait de moi. Pendant qu’elle recevait ses élèves, je voulais toujours monter sur ses genoux pour taper moi aussi sur toutes les touches. C’était rigolo ! Alors, à trois ans, j’ai commencé à jouer, et à quatre je donnais déjà mon premier concert… J’ai appris à lire la musique avant de savoir lire !
Ma peau est noire. À cause de ça, je n’avais pas le droit d’aller dans les mêmes endroits que les personnes à la peau blanche. Je trouvais ça très injuste ! Par exemple, dans le bus, les gens noirs étaient obligés d’être à l’arrière. Alors, avec mon papa, on préférait ne pas prendre le bus. Certaines personnes noires n’acceptaient pas ça et se battaient pour avoir les mêmes droits que les blancs. Mais beaucoup de blancs n’étaient pas d’accord…
Mon papa me disait que pour vaincre cette injustice, la seule chose à faire était de travailler beaucoup pour être deux fois meilleure que les blancs. Un jour, des blancs ont mis une bombe dans l’église noire de ma ville : une de mes camarades de classe est morte avec trois autres petites filles. Ce jour-là, j’ai pris une grande décision. Et quelques mois plus tard, quand je suis passée devant le palais du président avec mes parents, je leur ai promis :
– Pour l’instant, ma couleur me l’interdit, mais un beau jour, j’y entrerai !
Chapitre 2. Un rêve remplace un autre
Je voulais réussir. Mon rêve ? Pianiste de concert, bien sûr ! Je travaillais tous les jours avec beaucoup d’application. J’aimais bien chanter aussi, par exemple à la chorale de l’église où mon père était pasteur. Et après les cérémonies, on allait directement voir un match de football ou de baseball ! J’étais très fière de mon papa qui connaissait tout. Il m’expliquait dans les détails les finesses de chaque jeu, j’étais une experte ! Bien sûr, j’allais quand même à l’école. Là-bas aussi, je travaillais dur, il fallait que je sois deux fois meilleure que les autres ! Je prenais même des cours de danse, de français et d’espagnol…
Quand j’ai eu seize ans, mes parents ont déménagé. Je me suis inscrite à l’université de notre nouvelle ville avec deux ans d’avance. J’étais prête à devenir musicienne professionnelle ! Je croyais être tranquille avec ces histoires de couleur de peau. Mais un jour, un professeur a déclaré que le mélange de gens de différentes couleurs faisait baisser le niveau intellectuel d’une société. Je ne me suis pas laissée faire :
– Monsieur, de nous deux, c’est moi qui suis capable de jouer du Beethoven. C’est moi qui parle français. Je maîtrise votre culture mieux que vous ne le ferez jamais !
Non mais !
Pendant les vacances, cette année-là, je suis partie à une retraite musicale organisée par l’université. Quel choc ! J’étais accompagnée de petits prodiges qui jouaient beaucoup mieux que moi, à 11 ans seulement ! Voilà qui remettait complètement en question mes ambitions… Comment pouvais-je encore espérer être deux fois meilleurs qu’eux ? Même en travaillant douze heures par jour, je n’aurais jamais pu les battre. Je devais trouver un autre domaine que la musique pour réussir.
À cette époque, j’avais un professeur qui donnait un cours très intéressant. Il enseignait le fonctionnement d’un grand pays ennemi, où il fait très froid. Très vite, je suis devenue amie avec lui. Comme j’étais passionnée, je me suis mis à apprendre la langue du pays ennemi. Il m’a présenté sa fille, Madeleine, qui était plus âgée que moi. Nous sommes aussi devenues amies. Madeleine était l’assistante d’un responsable politique du pays.
J’avais trouvé ma nouvelle passion. J’allais faire de la politique. Grâce à mon professeur Joseph et à sa fille Madeleine, j’ai pu faire un stage avec les responsables qui s’occupaient de la culture pour le pays. C’était super !
Chapitre 3. La victoire des éléphants
Dans mon pays, il y a deux groupes qui s’opposent pour diriger le peuple : les ânes bleus et les éléphants rouges. Joseph et Madeleine travaillaient pour les ânes bleus. Je passais beaucoup de temps avec eux. Joseph me considérait presque comme sa fille adoptive, et Madeleine comme sa sœur. Alors que je finissais mes études, c’est un âne bleu qui a été élu président. Du coup, je me suis complètement engagée à ses côtés !
Mais, petit à petit, j’ai été déçue par ce nouveau président. Je trouvais qu’il n’avait pas assez de caractère. J’avais l’impression qu’il se laissait faire par les autres. Je commençais à avoir des doutes sur mon engagement. Mon papa m’a alors raconté une histoire. Au début, il était aussi du côté des ânes bleus. Mais un jour où il voulait s’inscrire pour voter, on lui a refusé. C’était sûrement encore à cause de la couleur de sa peau ! Pour se venger, il s’est inscrit chez les éléphants rouges.
J’ai décidé de passer aussi du côté des éléphants. À cette période, j’avais réussi à devenir professeur dans une grande université. Je donnais des cours sur le grand pays froid que Joseph m’avait fait découvrir. Je travaillais dur pour être toujours la meilleure dans mon sujet. Cela intéressait beaucoup de monde ! Un jour, à la fin du cours, un monsieur est venu me voir. Il s’appelait Brent.
Je me suis tout de suite très bien entendue avec lui. Brent voulait me présenter à ses amis, qui faisaient tous partie du groupe des éléphants rouges. J’étais ravie ! Bien sûr, j’ai tout de suite accepté. J’ai rencontré beaucoup de gens très intéressants. Je continuais à travailler beaucoup, et j’ai même écrit un livre !
Mais je gardais toujours du temps pour jouer du piano. Même si je savais bien que je ne jouerais jamais en concert, je ne voulais pas abandonner. Aujourd’hui, je suis encore plus occupée qu’avant, mais je continue de jouer au moins une heure par jour. Je me le suis promis. Mon compositeur préféré, c’est Brahms. C’est un passionné, mais pas un sentimental, comme moi ! Il faut de la discipline pour jouer sa musique.
Et puis on a élu un nouveau président. Ce fut un éléphant rouge, un ami de Brent ! J’étais très heureuse. Brent a été appelé par le nouveau président pour travailler avec lui sur la sécurité du pays. Comme je connaissais très bien notre plus grand ennemi, il m’a demandé de venir dans son équipe. Qu’est-ce que j’étais fière ! J’allais réaliser la promesse que j’avais faite à mes parents… entrer et travailler dans le palais du président !
Chapitre 4. Contre le grand pays froid
Notre pays et le grand pays froid étaient les deux plus puissants du monde. Entre les deux, il y avait beaucoup de petits pays moins puissants. Quelques années avant ma naissance, ces petits pays s’étaient fait la guerre entre eux. Notre pays ne voulait pas participer à cette guerre, mais il s’était fait attaquer par les petits pays. Alors nous sommes intervenus et nous avons gagné la guerre. De son côté, le grand pays froid avait fait la même chose. Du coup, les petits pays étaient désormais contrôlés soit par notre pays, soit par notre ennemi.
Le président n’était pas très content que le pays froid soit aussi fort que le nôtre. Avec Brent et ses amis, nous devions trouver un moyen de le faire perdre pour récupérer les petits pays qu’il avait sous son contrôle. La première chose à faire, c’était de renseigner le président sur le grand pays froid. Ça, c’était mon rôle ! Je lui ai appris tout ce que je savais.
On avait plusieurs tactiques pour battre notre ennemi. Pour être le plus puissant, chaque pays achetait beaucoup, beaucoup d’armes. C’était une sorte de course : celui qui a le plus d’armes est le gagnant. Les armes, ça coûte cher. Et comme nous étions les plus riches…
Après la guerre des petits pays, ils n’avaient plus rien parce que tout était détruit chez eux. Alors nous leur avons vendu des tas de choses, et c’est comme ça que nous sommes devenus très riches. Avec cet argent, nous avons aussi payé un traître pour qu’il renverse le chef du grand pays froid. Il s’appelait Boris. Nous nous engagions à le mettre au pouvoir s’il acceptait qu’on récupère les richesses du pays ennemi. Le seul problème, c’est qu’il aimait un peu trop l’alcool…
Un jour, il est venu dans le palais du président. Il voulait lui parler. En fait, Boris avait seulement rendez-vous avec Brent. Mais il avait dû vider quelques bouteilles d’alcool avant de venir… Il était soûl et très en colère. Je ne me suis pas laissé faire ! Je l’ai laissé planté dans le couloir, ni plus, ni moins. Il était tout penaud. Quand il est revenu en s’excusant, j’étais bien contente de moi…
Finalement, notre plan a réussi ! C’est nous qui avons gagné sur le grand pays froid. Boris est devenu leur chef, et nous, nous récupérions petit-à-petit le contrôle des petits pays. En plus de ça, nous pouvions commencer à vendre nos produits à l’intérieur du pays froid ! J’étais si fière !
Mais bientôt, il y eut un nouveau président. Ce fut un un âne bleu. J’ai été obligé de trouver un autre travail…
Chapitre 5. Du père au fils
Je continuais à donner mes cours à l’université. Là-bas, j’ai rencontré M. Schultz. Grâce à lui, j’ai rencontré les responsables de plusieurs grandes entreprises. Beaucoup de ces chefs d’entreprise m’ont demandé de travailler pour eux. Bien sûr, j’ai accepté !
Une de ces entreprises s’occupait de chercher et vendre du pétrole. Les chercheurs venaient juste de découvrir une énorme réserve à côté du grand pays froid. Quelle chance pour moi ! Je connaissais la langue et très bien le pays… C’est moi qui suis allé discuter pour installer un grand tuyau qui transporte le pétrole. Ça a permis à l’entreprise de gagner beaucoup d’argent. Pour me remercier, ils ont appelé un de leurs gros bateaux : le Condoleezza Rice ! Qu’est-ce que j’étais flattée…
Dans mon pays, à ce moment-là, il y avait de nouvelles lois. Elles avaient été faites pour aider les gens qui pouvaient avoir du mal à trouver un travail : les personnes de couleur, les femmes ou les handicapés, par exemple. Grâce à ces lois et à l’aide de M. Schultz, j’ai réussi à devenir la responsable principale de l’université !
C’était l’occasion de montrer de quoi j’étais capable. J’avais appris à diriger et à gagner de l’argent. Mais je trouvais que l’université dépensait beaucoup trop ! J’ai décidé de réduire les frais. J’ai été obligée de renvoyer des professeurs et fermer des associations. Du coup, certains étudiants n’étaient pas contents. Ils ont même été jusqu’à faire une grève de la faim ! S’ils croyaient que ça me ferait craquer, ils se sont bien trompés. Je n’ai rien arrêté du tout et l’université a fait des économies !
J’étais aussi restée en contact avec l’ancien président éléphant. Ils m’accueillaient dans leur famille. J’ai rencontré leur fils, Georges. Lui aussi, il avait dirigé une entreprise de pétrole. Comme Boris, il souffrait autrefois d’un abus d’alcool mais il s’en était sorti. Du coup, il avait décidé de rendre le monde plus juste. Quelle bonne idée ! Mais il ne connaissait pas grand chose du monde… Son papa m’a demandé de l’aider.
J’ai réuni plusieurs spécialistes, et nous lui avons donné des cours en accéléré. Ça n’était pas parfait, bien sûr… Mais au moins ce fut suffisant pour l’élection présidentielle ! Grâce à nous, il a pu donner l’impression qu’il savait beaucoup de choses. Et il a été élu ! Enfin, presque… On dit qu’il a eu moins de votes que son concurrent. Mais peu importe, puisque c’est lui qui a été désigné président ! Il avait une bonne raison, lui, au moins : apporter le Bien sur toute la Terre…
Chapitre 6. La justice de la réussite
Dès son installation dans le palais présidentiel, George m’a demandé de venir travailler avec lui. J’ai accepté de le conseiller pour la sécurité du pays. Mais quelques mois plus tard, des ennemis sont venus nous attaquer en jetant des avions sur nos plus belles tours ! On ne pouvait pas laisser faire ça.
George pensait que celui qui avait envoyé les avions se cachait dans un petit pays montagneux. Nous avons donc attaqué ce pays, pour trouver les coupables de l’attaque. Mais ils devaient bien se cacher, parce que nous ne les avons pas trouvés…
Alors je lui ai dit que nous ne devions pas nous laisser faire. On se moquait de nous !
George était très énervé. En plus, cela coutait cher de faire la guerre. Pour se venger, il a décidé d’attaquer un autre pays, pas très loin du pays montagneux. Cet autre pays était dirigé par un ancien ami du papa de George, mais il avait beaucoup de pétrole. Alors George a dit que cet ami avait trahi leur amitié, que c’était un méchant. Comme ça, il a pu attaquer son pays pour y apporter la justice, et aussi pour récupérer le pétrole.
Ça n’a pas très bien marché parce que les ennemis se sont multipliés. Il a fallu envoyer plus de soldats de notre pays. Mais ça tombait bien : il y avait de plus en plus de gens qui n’avaient pas de travail chez nous. Du coup, on les a envoyé faire la guerre dans les pays ennemis !
Aujourd’hui, George est encore énervé de ne pas pouvoir apporter la justice dans le monde. Du coup, il se demande s’il ne va pas attaquer le pays qui est entre le pays montagneux et le pays avec du pétrole. Ce serait un bon moyen d’y apporter la paix…
Moi, je suis contente. Plus personne ne se moque de la couleur de ma peau. Tout le monde me respecte. On m’a même donné le titre de femme la plus puissante du monde ! Si ce n’est pas être deux fois meilleure que les autres, ça…
Et chaque année, je joue en concert dans le palais du président. Il y a beaucoup de monde à chaque fois. On m’invite aussi à jouer dans le monde entier, avec de grands musiciens. Finalement, j’ai réussi : je suis devenue une pianiste de concert quand même !
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